Photo AFP
Sauf miracle, le capitaine Moussa Dadis Camara ne fêtera pas en grande pompe, le 23 décembre prochain, le premier anniversaire de son accession au pouvoir. Son projet de continuer à présider aux destinées de la Guinée pour une durée indéterminée a été brutalement contrarié, le 3 décembre, par le chef de sa garde rapprochée, qui était également son aide de camp.
Ce jour-là, vers 18 heures, le lieutenant Aboubacar Diakité (plus connu sous le nom de « Toumba ») et ses hommes, retranchés au camp Koundara, sur la presqu’île de Kaloum, ont ouvert le feu sur Dadis et sa suite, tuant l’un de ses gardes du corps. Sachant que le chef de la junte porte toujours un gilet pare-balles, ils l’ont visé à la tête.
Le lendemain à la mi-journée, Dadis a été évacué vers le Maroc à bord d’un avion affrété par Blaise Compaoré, le président burkinabè, médiateur dans la crise guinéenne, puis transféré à l’hôpital des Forces armées royales de Rabat. De source médicale guinéenne, « une balle au moins a atteint le président du CNDD [Conseil national pour la démocratie et le développement, NDRL] à la tête. La blessure semble très sérieuse, il a perdu beaucoup de sang et la boîte crânienne a été touchée. Si le pronostic vital n’est pas forcément engagé, la probabilité qu’il conserve des séquelles est importante ».
Contacté par Jeune Afrique, Idrissa Chérif, le ministre chargé de la Communication, a indiqué que Toumba, tristement célèbre depuis le massacre du 28 septembre dernier, a voulu tuer Dadis pour prendre le pouvoir : « Il a appelé le président dans l’après-midi et lui a demandé de le retrouver au camp Koundara pour discuter. Quand il est arrivé, Toumba et ses hommes ont ouvert le feu. » L’imprudence de Dadis, arrivé au camp avec une faible escorte, ne peut qu’interpeller. Depuis la tuerie du stade de Conakry, les relations entre les deux hommes n’étaient plus les mêmes. Lors de son audition par la commission d’enquête de l’ONU, Toumba aurait eu la confirmation que Dadis l’avait désigné comme seul responsable du massacre. Devenu encombrant, Diakité n’en exerçait pas moins une grande emprise sur le chef de la junte et a toujours affirmé à ses proches avoir agi sur l’ordre de ce dernier. « Je ne tomberai pas seul », répétait-il.
C’est donc peut-être pour sauver sa propre tête que, le 7 octobre, Dadis s’était opposé à l’arrestation de son aide de camp, pourtant ordonnée par le général Sékouba Konaté, le ministre de la Défense (voir encadré). Le chef de la junte protégeait Toumba mais n’en voulait plus à ses côtés. « En particulier devant les caméras », rapporte un proche. Se sachant plus ou moins en sursis, Toumba avait lui aussi pris ses distances. Surtout depuis l’annonce de l’envoi en Guinée d’une commission internationale d’enquête chargée de faire la lumière sur les événements du 28 septembre.
Trahi et découvert
Selon la même source, quelques jours avant l’arrivée des enquêteurs de l’ONU, Toumba s’était déjà retranché au camp Koundara pour y fomenter un coup d’État. « Le président avait été informé que son aide de camp s’était rapproché de quelques commandants pour le renverser. La tension est alors encore montée d’un cran. Il a voulu prendre le pouvoir pour échapper à la justice », précise ce témoin.
À la fin de novembre, Dadis, Toumba et plusieurs de ses hommes ont été entendus par les enquêteurs. Alors que leurs conclusions ne seront officiellement remises à Ban Ki-Moon, le secrétaire général de l’ONU, qu’à la mi-décembre, on estime à Conakry que Dadis et Toumba se sont renvoyé la responsabilité du drame. Se sentant piégé, trahi et découvert, Toumba a voulu se venger et préserver sa liberté. Pour cela, il semble n’avoir trouvé d’autre moyen que d’entraîner son ancien chef dans un guet-apens et d’ouvrir le feu sur lui.
Ce nouveau tournant dans l’histoire de la Guinée s’est déroulé au moment où le général Sékouba Konaté, l’autre homme fort du CNDD, était en voyage d’affaires au Liban.
Au lendemain de l’attentat contre le chef de la junte et à l’heure où ces lignes sont écrites, le lieutenant Aboubacar « Toumba » Diakité, déjà connu pour avoir torturé plusieurs de ses frères d’armes et battu un gradé au lendemain des tueries du stade tenait toujours ses positions sur la presqu’île de Kaloum avec ses hommes et des armes en quantité. Les règlements de comptes sont loin d’être terminés.
source: Jeune Afrique
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